Démarche

Projets

Ma recherche s’articule autour du continuum, de la mobilité et du voyage dans le spectre, et d’un spectre à l’autre. J’étudie la subjectivité et je me sers des disciplines que je pratique comme méthodologies pour élargir mon parcours de ces spectres.

«  La vie est mouvement  » est le credo qui est à la base de chacune de mes impulsions artistiques.

Le mouvement de l’immobile est une de mes inspirations premières en photographie  : Pouvoir discerner la scene qui a précédé, celle qui suit, la danse d’un arbre… Je m’efforce de dépeindre «  l’espace négatif  », celui qu’on ne voit pas, qui remplit les interstices.

“Comment photographier la sensation du mouvement figé des arbres ?”. En tant qu’artiste pluridisciplinaire, je m’intéresse particulièrement à la traduction d’une sensation d’un média à l’autre. Quand j’ai demandé à mon père de me raconter son histoire – fuite de la Hongrie en 1956 – et que je retranscris son histoire sous forme d’un fanzine, ce n’est pas un fait historique que je transmets. C’est un vécu subjectif, cristallisé, modifié par le travail invisible de 50 ans de mémoire. J’utilise alors des moyens graphiques (blancs, rythme des images et du texte, majuscules…) pour traduire les émotions qu’il me transmet visuellement et oralement.

Dans le projet “Plonger dans la marche”, je décide de faire une expérience physiquement challengeante (530 km à pied entre Tokyo et Kyoto avec sac à dos de bivouac) et de la retracer dans des carnets. Le résultat de ce travail est un livre hybride illustré/mis en page par Frédéric Cartier-Lange (Illustrateur Français) de 200 pages, dont 80 environ pages de texte. L’expérience du mouvement est alors figée par les mots et l’image. J’utilise la réalité augmentée pour donner vie à cette dimension invisible : l’animation des illustrations redonne sa dimension fugace au mouvement.

Positionnement artistique

J’opère actuellement une recherche sur le rapport au corps et au réel à notre époque, ou bien sur les niveaux d’engagement du corps selon les réalités que l’on visite. Je crois que nous vivons simultanément dans plusieurs réalités sans en être tout à fait conscients. Nous maitrisons l’ubiquité à travers notre partage quotidien entre la rêverie et le réel, mais sans conscience ce voyage n’est que dérive.

Je milite pour apporter l’idée que la «  réalité virtuelle  » n’est qu’une nouvelle corde à notre arc des réalités immatérielles que j’appelle les «  rêveries  », et qu’une «  réalité augmentée de rêverie  » est une attitude qui peut se développer par l’exercice de la conscience de deux réalités en même temps. Les enfants excellent d’ailleurs à ce jeu là. Je milite pour que l’on ramène une de ces réalités au centre  : la réalité des perceptions, celle du corps. Que l’on garde ouverte, en même temps que notre activité quotidienne, cette porte qui mène à nos sensations. Que l’on choisisse comme attitude de base celle de «  naviguer dans une   réalité augmenté de perceptions  ».

C’est donc tout à fait sciemment pour exciter nos neurones miroirs (qui à leur tour s’en iront activer nos neurones proprioceptifs parfois trop endormis), que je photographie des arbres pendant leur danse, pour activer notre désir kinesthésique que je photographie des textures de troncs à toucher.

Je développe mes pellicules argentique pour introduire du mouvement dans ma pratique photographique. Cette étape devient alors un moment de création à part entière, animée par des croisements entre les négatifs qui se rencontrent physiquement sous l’agrandisseur.

 La danse est ma plus grande source d’inspiration pour ce travail. Lors de stages que je prends au moins une fois par mois, j’ai l’occasion de pratiquer cet état d’ubiquité où je suis à la fois dans l’espace intérieur et extérieur. Je dois aussi voyager d’une façon de bouger à l’autre, d’une qualité de mouvement à l’autre. Pratiquer cet état de «  voyage  » d’une qualité à l’autre permet selon moi de travailler son rapport à la conscience du réel dans lequel on se trouve et notre capacité à passer de l’un à l’autre.

 

Opérer ce changement de perspective représente un changement d’attitude face au quotidien : quitter l’état passif pour devenir actif, agir plutôt que dériver et réagir. Aussi, il permet un glissement de posture très important dans cette révolution numérique  : sortir de «  la peur de la dérive d’une réalité qui nous échappe un peu  » à «  la confiance dans un outil dont on fait désormais une utilisation circonscrite à nos besoins réels  ».

 


Ma recherche s’articule autour du continuum, de la mobilité et des voyages inter (et intra) spectre. J’étudie la subjectivité et je me sers des disciplines que je pratique comme méthodologies pour élargir mon parcours de ces spectres.Je m’intéresse à l’espace négatif, lieu d’intersection entre le tangible et l’intangible, lieu de rencontre hors cadre. Je m’intéresse à la mémoire et à ce qu’il en reste, aux traces, hors cadre, hors temps, hors corps…

Pour entrer en discussion avec l’interstice, j’expérimente d’autres médias comme le fanzine, la photo, ou bien le fanzine interactif . Ce dialogue entre les formes me permet de chercher, trouver parfois, ce qui reste, les espaces communs entre les formes.

Mon travail s’articule autour de métaphores basées sur le voyage invisible. Voyage entre deux états de corps, entre deux états d’esprits, différents niveaux de réalités, deux perspectives, entre moultes cultures… ​Tout est voyage, tout est invitation au mouvement, ​​parfois invisible (ref Steve Praxton, “small dance”)​. ​​Ce voyage, rendu accessible par le fait qu’il est abordé par le biais de sujets esthétiques et intimes, encourage à s’accoutumer à cette posture souple et furtive: “sauter d’une perspective à l’autre”​. ​​Et ce faisant, peut-on briser ces vérités très puissantes (comme l’impression d’avoir besoin de consommer ci ou ça) mais qui ne le sont uniquement car elles possèdent encore un certain monopole ?
Cette contemplation du voyage s’axe ensuite sur la perception et son élargissement. Je considère que l’imagination et la perceptions sont entrelacées. Ce sont des niveaux de réalités différentes entre lesquelles on peut apprendre à voyager. Je considère que les émotions sont différents états de corps, de même que la fatigue extrême ou l’excitation, entre lesquelles on peut apprendre à voyager. Je suis familière avec différents média que je pratique depuis plus ou moins longtemps, cirque + photo + programmation + écriture​​ depuis 10 ans, ayant ramifié en :
danse + vidéo + installations interactives + performance ​​depuis 3 ans. Je pratique autant de média car je travaille particulièrement à la lisière, à cet endroit du passage d’un médium à l’autre qui représente pour moi une forme de voyage.

Un de mes processus est d’écrire un texte à partir d’une expérience (de moi de quelqu’un d’autre), d’accompagner ce texte d’images, d’en faire un livre, puis une performance / installation interactives: “Interoception“. Il m’intéresse d’observer ce que chacune de ces traductions apporte ou retranche à l’expérience, quels aspects du voyage chacune de ces étapes permet de transmettre.
Mes inspirations sont autant centrées sur mes expériences de stage de danse/danse somatique que dans mes lectures en anthropologie. Je travaille régulièrement avec un collectif d’artistes chercheurs, ​le collectif VRAC (situé à Paris), et nos projets, axés sur l’interactivité, ont pour but de donner à expérimenter des concepts comme la cognition incarnée de Varela, ou ​la vision de la complexité par Edgar Morin…
[Quelques exemples de projets…]
Dans cette optique en photographie très littéralement je m’intéresse aux arbres qui dansent, l’instant d’après ou d’avant, suggéré par la puissance de la présence de certaines postures. Dans cette série nommée “​Dancing being​​”, ce qui m’intéresse aussi est la manière dont la sensation de mouvement peut suggérer la présence de l’invisible. Si l’on apprend à “voir” le mouvement immobile, peut-on le sentir danser à l’intérieur de nous ?
Une deuxième série en photographie est une suite de doubles-expositions que je réalise lors du tirage (procédé argentique à partir de films N&B) ou je superpose images de villes et images de forêts. Comment se vibrations se rencontrent ?

L’absurdité de certaines situations fait-elle place au sentiment que la forêt est partout depuis toujours, que cette ville qui recouvre tout n’est qu’une île dans la forêt si l’on inclut la dimension temporelle dans le calcul ? Qu’est ce que ce recouvrement dit de notre besoin de forêt, de la façon dont nous percevons son absence ou sa présence, malgré son relatif éloignement [dans l’espace et le temps]. Je prends des photos comme on ramasse des cailloux sur la plage, pour le geste rassurant de lester sa poche d’un bout nacré du monde.

Un autre projet nommé “​Mon père ce Hongrois​​” est un recueil de récit. Le récit de mon père qui quitte la Hongrie en 56 comme réfugié lors de la révolution de Budapest. Ce texte, transmis oralement et enregistré, est devenu un fanzine, livre illustré d’images d’arbres et de racines d’arbres. Les arbres vivent-ils les mêmes drames que nous ? Oui. La mise en page, mise en espace du texte traduit les intonations, les erreurs de grammaire sont conservées telles quelles, l’oralité fossilisée. Ensuite présentés informellement lors d’une performance-dansée, des extraits de ce texte servaient de fil à un trio corps-trapèze-sol. C’est alors que les gestes prennent le relais des images pour exprimer ce que mon père a tu, ou dit sans mots. La transmission opère de corps à corps.
Ensuite une marche de 500 km réalisée par moi même au Japon, il y a deux ans. Transcrite sur le vif pendant l’expérience, elle a été partagée sous forme de livre “​Plonger dans la marche​​, plonger dans le Japon” illustré par un illustrateur. livre-augmenté avec réalité virtuelle et couverture sérigraphiée à la main en hommage à cette double temporalité du Japon que j’ai pu rencontrer lentement, au rythme de mes pas. Le Japon des villes hyper-digitalisé qui coexiste avec ce Japon des compagnes que j’ai traversé, beaucoup moins médiatisé. Cette marche est ensuite devenue une performance éponyme présentée à la galerie UQO (Gatineau) en été 2018, photographies d’arbres projetées dans l’espaces, plantes réelles, 4 installations interactives incluant des vidéos et une performance déambulatoire dans l’espace dont le but, outre habiter l’espace, était de montrer au public le fonctionnement les installations interactives pour l’inciter à explorer lui même.
Enfin, des écrits sur la neige axés sur la perception, une forme “d’hyper-subjectivité” mêlant description métaphores et imagination. Ces écrits, “​journal de neige​​” ont été transformés en différents fanzines mis en page par différents illustrateurs ayant reçu pour consigne de travailler la mise en page du même texte, mais sans être obligés d’en conserver l’intégralité. Le résultat est le même livre mais en pas pareil, pas tout à fait avec le même texte. Exercice de style, plongée dans l’univers des illustrateurs, sauce Camille, ou l’inverse.
Autrement, des projets plus exploratoires font aussi partie de ma démarche. Ceux par exemple réalisés en collaboration avec les autres membres du collectif “​Rose est la pluie​​”, collectif dont je fais partie, situé en France. Notre travaille se concentre sur des expérimentations mêlant illustration, programmation et poésie. Le dernier d’entre eux consistait à créer un alphabet coloré basé sur la sonorité des lettres, et un programme permettant la traduction automatique de textes. Le résultat d’une traduction de texte est un pavé plutôt illisible (mais décodable). Choisissant d’abandonner le propos du texte, le résultat “met en formes et couleurs” la musicalité et le rythme de la poésie, de n’importe quelle prose, ou de différentes langues.

Je développe mes pellicules argentique pour introduire du mouvement dans ma pratique photographique. Cette étape devient alors un moment de création à part entière, animée par des croisements entre les négatifs qui se rencontrent physiquement sous l’agrandisseur.

 La danse est ma plus grande source d’inspiration pour ce travail. Lors de stages que je prends au moins une fois par mois, j’ai l’occasion de pratiquer cet état d’ubiquité où je suis à la fois dans l’espace intérieur et extérieur. Je dois aussi voyager d’une façon de bouger à l’autre, d’une qualité de mouvement à l’autre. Pratiquer cet état de «  voyage  » d’une qualité à l’autre permet selon moi de travailler son rapport à la conscience du réel dans lequel on se trouve et notre capacité à passer de l’un à l’autre.

 

Opérer ce changement de perspective représente un changement d’attitude face au quotidien : quitter l’état passif pour devenir actif, agir plutôt que dériver et réagir. Aussi, il permet un glissement de posture très important dans cette révolution numérique  : sortir de «  la peur de la dérive d’une réalité qui nous échappe un peu  » à «  la confiance dans un outil dont on fait désormais une utilisation circonscrite à nos besoins réels  ».